Il y a un endroit où tout se passe, dans la peinture de Miguel Macaya. Un endroit où nous regardons tous et d'où nous sommes regardés. Un lieu où les hommes posent, où les chiens posent, où les hommes et les chiens se soumettent au fait immobile d'être représentés par cette mise en scène de la mémoire soudaine que nous appelons peinture. Et c'est ça, la pose.
Soumettez-vous à l'instant où ils sont attrapés. Un endroit extraordinairement calme qui, à son tour, produit calme, précision. Là, le regard du personnage rencontre le regard du peintre. Un temps et un lieu - cet instant soudain, ce lieu exact - qui possèdent quelque chose de très élémentaire et de très complexe à la fois ; quelque chose qui nous est caché et caché : l'esprit de l'invisible. C'est l'endroit réel où la moindre action capturée par Macaya se produit. Leur art est invisible et aérien, jusqu'à ce qu'il ne semble qu'une somme de taches, comme c'est le cas des toreros dans leurs tableaux : ils semblent être des guerriers, ils semblent être des êtres esquissés dans leur artifice, ils semblent être autre chose qu'ils insinuent, qu'ils ne montrent pas.
Derrière chaque tableau, il y a, en quelque sorte, une mémoire cachée, typique du peintre, qui est métaphorisée dans ce qui est peint. C'est un souvenir que lui seul connaît, ou ne connaît même pas, parce que c'est peut-être une réminiscence, un goût du passé, une expérience oubliée de façon inattendue qui se produit. C'est une mémoire invisible, comme l'esprit qui l'amène au présent, aux yeux du spectateur matérialisé dans cette autre chose qui est vue. D'où le pouvoir symbolique de la peinture, de toute peinture. N'oublions pas cette force, qui est celle qui atteint directement, uniquement et sans équivoque celui qui contemple la peinture, car dans cette charge symbolique se manifeste l'invisible dans le visible. A ce moment, ce qui appartenait à Macaya, ce qui sous-tendait son intention, devient la propriété de l'observateur. Le sentiment intime du peintre, son obsession, devient l'héritage de chacun, notre clarté.
D'un endroit privé à Macaya, très profond, vient cette innocence qui est dans sa peinture. Il vient comme l'éclair à l'élève de celui qui regarde son travail. Une innocence qui parle le langage de l'immédiateté entre le regard, le chien, la nature morte de l'ail, le torero (l'essence du torero) et le spectateur. Une innocence que nous ne savons pas déchiffrer, en regardant ces tableaux, mais que nous ne pouvons comprendre que par l'acceptation de la naïveté comme prémisse, comme nous comprenons l'énorme, brutale, puissante beauté innocente d'un tableau comme celui du jeune homme qui se blottit ou saute dans les vagues.
Et aussi de cette innocence, de cet esprit invisible qui veille sur tout, nous parvenons à comprendre les fonds sur lesquels les hommes et les chiens posent et les choses. Comme dans le grand maître Caravaggio, le génie pictural qui grandit inépuisablement - je pense à son extraordinaire bodegón Cesta de frutas, par exemple, bodegón très différent de ceux de Macaya et pourtant familier, peinture pure car il manque de lumière concrète et est introuvable, et pourtant on le comprend -, les fonds de Macaya, apparemment fait pour ne pas être observé, sont ceux qui contribuent au calme qui traverse sa peinture ; ils sont très élaborés, plats et sans contexte, situés dans le néant. Mais ce sont des fonds pour comprendre, pour situer ce saut vers le visible. Comme dans Morandi, dont la palette rappelle celle de Macaya : le pauvre, le manquant, le fragile prennent un poids transcendant, alors qu'il n'en est rien, ni pauvre, ni manquant, ni fragile, car il y a richesse, richesse de matière, de nuances mélangées, de nouvelles couleurs, de gestes, de charme du portrait. C'est pourquoi Macaya est aussi un mystérieux Ramon Gaya, plus emphatique, plus labyrinthique. C'est pourquoi c'est un Velázquez statique, encore, inexpressif. C'est pourquoi c'est un bacon sans haine ni tourment. C'est pourquoi c'est un Goya sans ennui ni fantômes.
A Macaya, ce qui est peint, objet de la peinture, possède, trésors, se vante de l'anonyme, de ce qui est délibérément choisi pour n'avoir aucune importance, pour montrer cette absence d'importance comme support de l'immanence de son expression. Soudain, les identités manquent de solidité : qui est qui chez ces hommes, chez les chiens, dans les fruits, tout cela fait et unifié dans le même portrait fictif, présence étrangère mais connue pour être, finalement, le portrait fictif du même homme, ou chien, ou chose sans nom, commune et extraordinaire à la fois.
A ces réalisations et hommages découverts contribue la rare narrativité, pour ne pas dire la narrativité nulle, que Macaya met dans ses peintures ; son statisme intense, qui transmet le calme même dans les quelques actions, mouvements, de ses personnages.
C'est une façon de voir la vie que certains artistes parviennent parfois à comprendre. Et cette façon de voir l'invisible passage de l'air à travers le temps apporte avec elle une joie étrange - car il y a de la joie à Macaya, la joie de cette innocence naïve. Il y a une joie de peindre dans ces tableaux. Une joie qui déborde dans la trace du pinceau, de la peinture sur la toile ou du support qu'elle est. Et c'est une joie qui devient immédiatement complice du spectateur malgré le résultat apparent, parfois, de quelque chose de louche, de sombre, dans certaines de ses peintures. D'autres, en revanche, sont les traces d'une joie naturelle et vitale qui réconforte ceux qui décident d'y entrer. Peut-être à cause de ce manifeste pour aller et venir du simple au complexe, dans toute sa peinture, nous croyons qu'il y a beaucoup d'apparences à Macaya, un peintre enveloppé dans une distance insurmontable, mais ce sont des apparences d'un nouveau caravage : l'épiphanie de l'invisible, qui est là et fait place.